Vous souhaitez comprendre pourquoi en France, un chien peut-être à la fois considéré par 83% des français comme le meilleur ami de l’homme et être tout autant considéré comme potentiellement un chien dangereux, susceptible de provoquer des morsures, et par là-même, aboutir à une catégorisation de certaines races de chiens dès leurs naissances ?
Le moment est venu de parler de la place du chien tel qu’elle est dans notre société aujourd’hui car il existe une réelle maltraitance ordinaire par méconnaissance ou malveillance, suite à des écueils éducatifs grandissants entraînant à la fois un mal-être chez les chiens mais également leurs maîtres et des risques d’accidents par morsures, déjà très nombreuses lorsque prévention ne rime plus avec éducation du chien.
La loi sur les chiens dangereux de 1999 catégorisant certaines races, suivie par celle de 2008 établissant un permis de détention et des obligations pour ces races a eu des effets sociétaux catastrophiques, aggravant l’image du chien dans l’espace public. Le nombre de chiens a fortement baissé depuis 20 ans alors que les morsures n’ont pas diminué et que les refuges sont pleins de chiens abandonnés.
Le chien mon ami vous dit tout. Cet espace est pour vous, que vous soyez possesseur de chiens de catégorie ou d’un chien susceptible d’avoir mordu, non possesseur d’un chien, professionnel habilité à faire des évaluations comportementales du chien, professionnel de la santé ou des instances administratives…
De nombreux pays ont déjà abordé le sujet des morsures de chiens et des mythes à l’égard de certaines races de chiens pour en venir à une stratégie globale de prévention des morsures sans « catégoriser », en proposant parfois, un permis de détention du chien, par défaut et pour tous, sous couvert d’un meilleur accès à la formation et à la connaissance avant l’acquisition du chien et tout au long de sa vie.
Les morsures de chiens de catégorie
La morsure d’un animal comme le chien est à déclarer le plus tôt possible quelque soit son contexte afin de surveiller l’état sanitaire de la personne mais également celle de l’animal mordeur. La mise sous surveillance « mordeur » est obligatoire pour tout animal ayant mordu ou griffé une personne. Elle permet de s’assurer, à l’issue des 15 jours de surveillance, que l’animal n’était pas excréteur du virus de la rage au moment de la morsure. La mort de l’animal ou l’apparition de symptômes ainsi que toute non-présentation de l’animal doivent être signalés à la Direction Départementale de Protection des Populations. Vous pouvez retrouver tous les arrêtés (de 1997 à 2011) et les mesures préconisées par le plan de lutte contre la rage en France dans le cas d’un chien mordeur sur les sites officiels :
https://agriculture.gouv.fr/les-principaux-textes-reglementaires-sur-la-rage.
Où en sommes-nous sur les morsures de chiens en France :
Le chien mon ami et la Seevad, ont été audités en 2018 sur la situation en France. Sans référentiel officiel pour définir avec précision le nombre de morsures réelles et les contextes dans lesquels elle se sont produites, le chien mon ami a fait son enquête et a présenté lors d’une session parlementaire par l’intermédiaire de CAP les données suivantes en France :
- 1 morsure de chien toutes les 2 minutes, les enfants 2 fois plus victimes que les adultes, 20% des enfants se feront mordre au moins une fois ;
- 1 à 3 cas de morsures mortelles par an ;
- Coût sociétal de 200 à 300 millions d’euros par an ;
- Concerne toutes les races de chiens ;
- La plupart des morsures sont dans le cercle familial avec un chien connu de la famille ;
- Dans la plupart des cas, le contexte est explicable si un expert du chien a connaissance du contexte et des faits.
Quelles sont les réponses faites à ces morsures du côté législatif ?
- Un dispositif juridique de plus de 20 ans qui concerne que 5% de la population canine en France et seulement 1% des races de chiens ;
- 4 lois, 6 décrets, 5 arrêtés avec 15 obligations pour les possesseurs de chiens concernés, chien dangereux et chien de catégorie ;
- Le dispositif est peu ou mal connu des forces de l’ordre (police), des collectivités locales et des possesseurs de chiens eux-mêmes.
Et la prévention dans tout ça ?
Pour comprendre où se situe la différence entre obligation d’une évaluation comportementale du chien et prévention des morsures de chiens, voici l’exemple du Canton de Neufchatel en Suisse (source du Collectif 4C). Les dispositions prises dans ce pays ne sont pas uniques et la stratégie préventive prise par les gouvernements a également été instaurée en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Canada dans la ville de CALGARY, à BALTIMORE…
08/02/2021 : Selon un rapport de l’ANSES : “Chez le chien, la race ne suffit pas pour prédire et prévenir le risque de morsure.”
Au terme d’une expertise menée sur le sujet, l’Anses considère que cette seule base ne permet pas de prédire de manière fiable le risque de morsure. Au vu des enjeux de santé publique associés aux morsures de chiens, l’Agence invite à mettre en œuvre une prévention combinant plusieurs leviers tels que la sensibilisation des éleveurs et des propriétaires de chiens aux besoins des animaux et à l’éducation à leur apporter, le renforcement du rôle des vétérinaires et la mise en place d’un dispositif d’observation et de collecte des informations sur les morsures. Enfin, l’Anses rappelle que tous les chiens peuvent mordre, quelle que soit leur taille ou leur race, et qu’en conséquence il ne faut jamais laisser un enfant seul avec un chien sans la surveillance d’un adulte. Consulter le rapport.
Au terme d’une expertise menée sur le sujet, l’Anses considère que cette seule base ne permet pas de prédire de manière fiable le risque de morsure. Au vu des enjeux de santé publique associés aux morsures de chiens, l’Agence invite à mettre en œuvre une prévention combinant plusieurs leviers tels que la sensibilisation des éleveurs et des propriétaires de chiens aux besoins des animaux et à l’éducation à leur apporter, le renforcement du rôle des vétérinaires et la mise en place d’un dispositif d’observation et de collecte des informations sur les morsures. Enfin, l’Anses rappelle que tous les chiens peuvent mordre, quelle que soit leur taille ou leur race, et qu’en conséquence il ne faut jamais laisser un enfant seul avec un chien sans la surveillance d’un adulte. Consulter le rapport.
A, B, C de l’évaluation comportementale du chien dangereux
Qu’est-ce-une évaluation comportementale du chien ?
Elle s’adresse aux chiens « susceptibles d’être dangereux », chiens de catégorie, mordeurs ou jugés chiens dangereux par le maire ou le préfet, qui sont soumis en France au dispositif législatif suivant :
- La loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux dans son chapitre Ier : Des animaux dangereux et errants art 1 et art 2. ;
- La loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance pour tout chien que le maire désigne comme potentiellement dangereux instaure l’évaluation comportementale ;
- La loi n°2008-582 du 20 juin 2008 a généralisé l’évaluation comportementale à tous les chiens de 1ere et de 2eme catégorie ainsi qu’à tout chien mordeur.
L’évaluation comportementale du chien est donc obligatoire dans les 4 situations suivantes :
- Pour tous les chiens de 1ère catégorie ou les chiens d’attaque : chiens n’étant pas inscrits au LOF (Livre des Origines Françaises) de types, American Staffordshire terrier (pit bulls) mastiffs (boerbulls) et tosa ;
- Pour tous les chiens de 2nde catégorie ou de défense : American Staffordshire terriers inscrits au LOF, Tosa inscrits au LOF et Rottweiler inscrits ou pas au LOF ;
- Pour tout chien ayant mordu une personne ;
- A la demande du maire (ou du préfet) pour tout chien qu’il considère susceptible de présenter un danger.
Les niveaux de dangerosité sont évalués à l’issue de la procédure d’évaluation comportementale du chien :
- Le vétérinaire doit conclure sur la dangerosité potentielle de l’animal examiné et le classer dans l’un des quatre niveaux de risque définis par le CRPM (niveau de risque 1 pour un chien ne présentant pas de dangerosité particulière à un niveau 4 correspondant à un risque de dangerosité enlevé).
- Selon le niveau de classement du chien, le vétérinaire propose alors des mesures préventives.
2016, le 1er bilan de l’ANSES sur les évaluations comportementales de chiens réalisées en France
L’Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a été saisie à la demande de la DGAL pour réaliser une analyse scientifique et technique (1) portant sur les données collectées en 2014 relatives aux évaluations comportementales des chiens susceptibles d’être dangereux. Les données analysées proviennent du fichier I-CAD, rempli en ligne par les vétérinaires évaluateurs au terme de chaque évaluation comportementale.
(1) Anses note du 19/02/2016 révisée le 26/09/2016
En 2014, 98% des évaluations comportementales ont été réalisées sur des chiens de catégorie 1 et 2% sur des chiens de catégorie 2 ou non catégorisés. Sur ces 4652 visites, voici les motifs des évaluations comportementales :
Motifs des évaluations comportementales
Concernant le motif « demande du Maire ou du Préfet » :
- Dans 77 % des cas, les visites d’évaluation comportementale pour le motif « morsure » ont eu lieu sans attendre la contrainte administrative ;
- Dans 21 % des cas à la demande du maire ;
- Dans 2 % des cas à la demande du préfet.
Quelles sont finalement les races de chiens présentées pour le motif « morsure » (1032 cas analysés) et évaluées en 2014 ?
On constate que 8% des races de chiens dites « de catégorie » ont été à l’origine de morsures évaluées.
Cliquez sur le tableau pour l’agrandir >>
Analyse des évaluations comportementales réalisées pour le motif « catégorisation » et le nombre réel de chiens de catégories évalués en 2014 sur l’année :
En tenant compte du nombre d’inscriptions au LOF en 2014 : seuls 18 % des Staffordshire terrier américain auraient été présentés à une visite initiale de délivrance de permis de détention d’un chien et pour les chiens de catégorie 2, le Rottweiler : 40 % et le Tosa : 17 %.
- Niveau de dangerosité selon l’origine de la demande
- Evaluations comportementales au cours des visites initiales de délivrance du permis de détention d’un chien de catégorie 1 ou 2 ont été réalisées : 6 % à la demande d’un maire, 0,1 % du préfet et 93,9 % à l’initiative du propriétaire ou du détenteur.
- Evaluations comportementales canines réalisées à la suite d’une morsure : 21 % à la demande du maire, 2 % à la demande du préfet.
- Niveau de dangerosité et catégorisation éventuelle des chiens
- 92 % des évaluations comportementales à la suite d’une morsure concernent des chiens non catégorisés. (19% niveau 1, 53% niveau 2, 25% niveau 3 et 3,5% niveau 4).
- Pas de mise en évidence de différence statistiquement significative entre les chiens catégorisés et non catégorisés, ni entre les chiens de catégories 1 et 2.
- Pour le motif « morsure », les chiens de race de grand format sont plus fréquemment évalués que les chiens de petite race.
- Le cadre législatif répond-t-il à la réalité ?
- Evaluations comportementales au cours des visites initiales de délivrance du permis de détention d’un chien de catégorie 1 ou 2 ont été réalisées : 6 % à la demande d’un maire, 0,1 % du préfet et 93,9 % à l’initiative du propriétaire ou du détenteur.
Compte tenu du nombre de morsures (500 000 officielles), le nombre d’évaluations comportementales pour « morsures » est très largement insuffisant (1013 en 2014).
Le motif « catégorisation » est prépondérant dans la base de données disponible, alors que les chiens de catégorie 1 et 2 ne représentent qu’une faible part de la population canine.
Par conséquent :
- la prévalence des chiens de « catégorie » est faible au regard des contraintes imposées par la loi ;
- de plus, la prévalence des chiens « hors catégorie » et mordeurs sujets à évaluation comportementale (à l’origine pourtant du plus grand nombre de morsures estimé en France) est beaucoup trop faible.
Il apparaît donc que le cadre législatif ne répond pas en l’état actuel à la volonté de la réglementation visant à limiter les risques potentiels que représentent les chiens mordeurs ou jugés dangereux.
Un constat réaliste fait par Le chien mon ami devant la mise en place des lois de 1999 sur la catégorisation des chiens – de 2008 sur l’évaluation comportementale des chiens – et de 2009 sur le permis de détention des chiens de catégorie :
- Diminution de 30% du nombre de chiens ;
- Augmentation des arrêtés municipaux obligeant tous les chiens à être en laisse dans l’espace public ;
- Augmentation des décisions d’euthanasie par les maires et préfets ;
- Pas de diminution du nombre de morsures ;
- Pas de diminution du nombre d’abandon ;
- Pas de diminution de la maltraitance ;
- Les chiens catégorisés ne sont pas impliqués davantage dans les morsures ;
- Explosion du nombre de chiens de race American staffordshire terrier (LOF chiffres SCC) ;
- Aucune mesure préventive dans la loi actuelle ;
- La loi qui condamne la maltraitance animale n’est pas respectée (clubs de dressage violents non condamnés) ;
- Dans les pays où certaines races ont été discriminées et interdites, il n’y a pas eu de diminution des morsures ;
- Exemple de la Suisse : permis instauré en 2010 puis supprimé en 2016 par manque de résultats et coût trop élevé pour la collectivité. Les cantons sont libres, et certains ont instauré des catégories de chiens interdits. C’est dans les cantons où il n’y a pas de discrimination qu’il y a le moins de problèmes.
Réglementation française
Retrouvez les documents et textes réglementaires dédiés à l’évaluation comportementale des chiens en France :
Arrêté du 15 décembre 2009 modifiant l’arrêté du 8 avril 2009 fixant les conditions du déroulement de la formation requise pour l’obtention de l’attestation d’aptitude prévue à l’article L. 211-13-1 du code rural
Arrêté du 8 avril 2009 fixant les conditions de qualification et les capacités matérielles d’accueil requises pour dispenser la formation et délivrer l’attestation d’aptitude prévues à l’article L. 211-13-1 du code rural
Décret n° 2009-376 du 1er avril 2009 relatif à l’agrément des personnes habilitées à dispenser la formation prévue à l’article L. 211-13-1 du code rural et au contenu de la formation
Arrêté du 8 avril 2009 fixant les conditions du déroulement de la formation requise pour l’obtention de l’attestation d’aptitude prévue à l’article L. 211-13-1 du code rural
LOI n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux
Les propositions faites par le chien mon ami
Pourquoi Le chien mon ami dit OUI à un autre regard sur nos amis les chiens ?
- Dans la sphère publique, les chiens tenus en laisse sont plus agressifs que les chiens libres ;
- Or 80% des morsures ont lieu dans la sphère privée et sont dirigées vers un membre de la famille ou connu de la famille.
Toujours plus de laisses, de muselières, d’entraves, de privation de liberté… aggravent le problème et s’avèrent contre-productif sur la prévention des morsures. Le bien-être des chiens (respect des besoins, éducation positive) est INDISSOCIABLE de la sécurité des personnes. Pour cette raison, le chien mon ami s’attache à l’analyse des causes (traumatisme, maltraitance, privation sensorielle, non-respect des besoins fondamentaux, incompréhensions…) plutôt que de vouloir agir sur les symptômes (grognements, morsures, agressivité, réactivité…).
Les contextes de morsures sont essentiellement liés :
- Au non-respect du chien ou au manque de connaissances sur les signaux émis par le chien au quotidien, tout ceci s’apprenant dès le plus jeune âge ;
- Au manque de familiarisation général à l’humain : méfiance due aux conditions de développement inadaptées (élevage et détention avant 1 an) avec par exemple de l’isolement, trop peu de sorties libres et une mauvaise socialisation des chiens ;
- A la mauvaise relation avec les propriétaires due à des méthodes éducatives coercitives (méthodes basées sur le concept de hiérarchie et dominance) ;
- Fréquentation de clubs de dressage canins qui augmente l’agressivité des chiens (usage des colliers étrangleurs, électriques…).
Préconisations concrètes portées par Le chien mon ami :
- Abolir les catégories de chien et le permis de détention tel qu’il existe aujourd’hui ;
- Conserver l’évaluation comportementale en cas de danger potentiel ou de morsure ;
- Rendre obligatoire une formation des propriétaires aux besoins et au respect du chien (et pouvoir les orienter vers des éducateurs qui travaillent en méthode positive et amicale) ;
- Décourager la vente et l’utilisation des outils coercitifs tels que collier étrangleur, collier torcatus et collier électrique comme c’est déjà le cas dans d’autres pays ;
- Renforcer l’application de la loi existante sur la maltraitance (beaucoup de maltraitance en clubs de dressage qui entraînent des troubles comportementaux graves) ;
- Etablir un comité d’éthique pour la prise de décisions d’euthanasie dans les cas les plus graves, une concertation collégiale qui n’appartiendrait plus à la seule responsabilité du maire ;
- Instaurer un vrai système de déclaration réellement obligatoire des morsures sur un site dédié sécurisé qui permettrait un observatoire des morsures et une surveillance régulière des chiens jugés dangereux, en dehors de toute institution publique ;
- Réglementer les ventes de chiots en instaurant une formation obligatoire des acquéreurs avant toute acquisition (même à titre gracieux).