Le chiot qui mordille, que faire ?

Le mordillement chez le chiot est souvent considéré, à tort, comme un comportement anormal et répréhensible. En réalité, ce comportement s’exprime dans le cadre plus large du comportement exploratoire. Le mordillement excessif devient gênant s’il est mal géré par l’humain, mais il est inutile de vouloir le sanctionner.

C’est un jeu qui s’apprend très tôt et permet de connaître le monde !

D’où vient le mordillement ? Quelle est sa fonction ? Le mordillement est naturel chez le chiot. Contrairement aux primates, les canidés ne peuvent saisir des objets avec leurs pattes. Ils se servent exclusivement de leur gueule pour attraper un outil, un jouet ou un aliment. Le comportement exploratoire se développe précocement chez le jeune grâce à cette prise en gueule qui permet d’appréhender toute nouvelle texture, ou nouveau substrat. L’exploration orale commence avec le réflexe de fouissement et de tétée, avec orientation vers la mamelle, dès la naissance. Il se met en place, de façon volontaire, vers des éléments solides, au moment du sevrage, bien avant l’acquisition d’une motricité parfaite.

Dès le début de la période de socialisation, vers l’âge de trois semaines à un mois, lorsque s’engagent les premiers jeux sociaux, les chiots prennent en gueule tous les objets à leur portée. Ils empoignent aussi leurs congénères pour jouer. Ils se saisissent et se renversent, se coursent et s’attrapent avec les dents. Parfois un chiot crie, l’autre lâche et le jeu recommence. Le jeu est essentiel pour la structuration émotionnelle de l’animal. Il est inscrit dans son répertoire comportemental et ne doit pas être empêché. Au cours de cette période de socialisation, c’est par le jeu, et en particulier les jeux de tiraillements, que les chiots apprennent à s’ajuster et à se côtoyer amicalement. Le rôle de la mère-chien est mal étudié. Les chiots semblent peu stressés lors de ses absences et il n’est pas certain qu’elle leur apprenne « l’inhibition à la morsure ». Aucune étude n’a permis de montrer qu’une fratrie séparée de la mère avant huit semaines présentait plus de risque de mordillement excessif qu’une fratrie restée au contact de la mère au delà de huit semaines. Par ailleurs des travaux récents ont montré que les chiots présentant des mordillements excessifs n’avaient pas plus de chance de devenir des adultes à risque de morsure accrue ou plus grave, que les chiots qui mordillaient moins. Ce mordillement s’avère nécessaire pour explorer l’environnement et mémoriser des informations.

De nombreuses idées reçues doivent donc être écartées, en particulier le concept d’autocontrôle, nécessairement inculqué par la mère-chien, doit être abandonné.

Certains chiots dits « extrêmes » mordillent plus que les autres et sont plus actifs. Leur comportement exploratoire est plus intense. Ils présentent un tempérament intrépide. D’autres, au contraire, mordillent peu et se montrent plus calmes, moins intéressés par la prise en gueule d’éléments de l’environnement. Ils présentent un tempérament plus timide et réservé, ou simplement moins curieux. Dans une même portée, les chiots présentent des tempéraments différents. Il ne s’agit donc pas d’un apprentissage défaillant ou d’une carence éducative de la mère-chien, mais de structures génétiques différentes.

La destruction d’un objet est spontanée et ne prédit aucune dangerosité future. Elle permet de le connaître, d’en décrypter le contenu, le goût, l’odeur, la résistance. Cette exploration génère un enrichissement mental du jeune.

Le chiot ne cherche jamais à « faire mal » !

Le chiot n’a pas conscience d’abîmer nos affaires, et ne cherche pas à nous nuire ou à se venger sur notre mobilier. Notre monde ne représente rien de particulier, et n’a aucune pertinence pour son cerveau de chien. Si cela nous fait mal quand il saisit nos bras, c’est parce que nous avons une peau fragile et une grande sensibilité cutanée, et parce que nous crions et nous agitons nos mains. Cette gestuelle laisse entendre au chiot  que nous sommes d’accord pour jouer  Par ailleurs, il ne cherche ni à blesser ni à s’imposer. Ce comportement ne présente aucune finalité agressive. C’est du jeu. Derrière ce jeu, il y a une vraie demande d’interaction amicale. Il n’existe alors aucune compétition. Aucun des deux protagonistes ne cherche à dominer l’autre, ni à gagner la partie. Attribuer au chien un caractère « dominant » relève d’un barbarisme éthologique et d’une idée fausse. Si l’humain cherche alors à s’affirmer comme « chef » en réprimant ces comportements, il agit contre nature et risque surtout de construire un lien de mauvaise qualité avec le futur chien. Cette relation construite sur une base essentiellement punitive peut, elle, être responsable d’agressions ultérieures, car il va se créer un différent durable entre le chien et son maître.

Comment gérer les mordillements ?

Le besoin de mordillement doit être orienté vers des objets autorisés et adaptés ne présentant aucun risque, comme un Kong, une corde à nœud solide, un tissu épais en coton, des bâtons en bois, des ballons de cuir crevés, etc. Les bouteilles plastiques sont très appréciées pour être mâchées en faisant du bruit. C’est très excitant pour le chiot. Il faut simplement veiller à ce qu’il n’avale aucun morceau. Les peluches qui couinent plaisent aussi souvent aux chiots, car ils doivent chercher la zone de l’objet dont le mordillement déclenche le bruit qui mime celui d’un congénère qui gémit. Satisfaire le besoin de mordillement par des supports adaptés et ludiques crée un véritable épanouissement chez l’animal et l’occasion pour l’humain d’être à l’écoute du développement mental du son jeune compagnon.

Il est important de détecter le tempérament du chiot et d’orienter son adoption dans une famille qui saura utiliser positivement ce caractère.

Un chiot qui mordille beaucoup a besoin d’activités sportives intensives, avec un maître jeune et actif. On veillera à mettre le chiot en présence de nombreux congénères et à le soumettre à de nombreuses interactions sociales. L’environnement familial doit être propice à satisfaire ce besoin d’activité d’exploration qui sous-tend un besoin relationnel évident. Il faudra éviter de le laisser enfermé seul de nombreuses heures au risque qu’il ravage la maison. Au delà de la fatigue physique, le mordillement répond à un besoin exploratoire donc une stimulation mentale et relationnelle avec l’environnement. C’est la curiosité qui pousse le chiot à s’engager dans des actions de saisie en gueule. Comme chez l’enfant qui a besoin de mettre tout à la bouche pour se rendre compte des choses, le chiot doit pouvoir exprimer ce comportement sans être empêché pour un meilleur développement cérébral. Il suffit de l’orienter vers un support adapté et d’éviter d’exposer nos mains et nos bras aux dents du chiot. Le laisser dans un milieu pauvre qu’il connaît très vite par cœur appauvrit ses capacités adaptatives. En grandissant, ce comportement s’affaiblit naturellement et devient occasionnel chez l’adulte.

Dans tous les cas, le mordillement n’est pas un symptôme d’une maladie comportementale mais un comportement inné inscrit au patrimoine génétique du chien et appartenant à son répertoire comportemental, qui nécessite la mise en œuvre d’une éducation rigoureuse et positive.

Le chiot apprend durant toute sa vie et en toute circonstance. Les maîtres doivent maintenir des activités éducatives riches au delà de la période de développement. Loin de réprimer inefficacement le mordillement, il est intéressant de le canaliser en l’optimisant et en le valorisant par des activités physiques et mentales soutenues et bien dirigées.

Laisser un commentaire