Les balades canines collectives : une alternative aux centres d’éducation

Les balades canines collectives ont le vent en poupe sur les réseaux sociaux. Elles s’organisent souvent de façon informelle. Entre particuliers, elles sont gratuites puisque organisées par les propriétaires eux-mêmes. Elles sont le fait de personnes appréciant à la fois la liberté pour leur chien et une éducation amicale positive sans coercition ni stress. Mais certains éducateurs en font une prestation à part entière ce qui permet d’encadrer la balade de façon professionnelle. Ces séances ne présentent que des avantages à condition d’en contrôler tous les paramètres.

Les chiots ont besoin de se socialiser

Lorsqu’un chiot arrive dans une famille, il est indispensable de conseiller aux propriétaires de poursuivre tout de suite la socialisation initiée à l’élevage. Le chiot doit rencontrer d’autres chiots que ceux de sa fratrie, de taille et de race différente, de tempéraments variés et pouvoir interagir librement. Cette socialisation aux congénères ne peut se concevoir dans un lieu coupé du monde, loin des aléas environnementaux et de la vraie vie. De nombreux centres d’éducation concentrent leurs prestations sur un terrain clôturé avec quelques accessoires d’agility alors que le milieu de vie du chien est bien plus varié.

Par ailleurs, certains centres d’éducation adoptent trop souvent des méthodes coercitives dès le plus jeune âge, avec collier étrangleur et obéissance obligatoire. Le chiot dispose de très peu de temps de détente libre avec les autres chiots. Il doit pratiquer des exercices souvent très artificiels dont il n’aura pas besoin plus tard. Rares sont les clubs qui réalisent une socialisation de qualité dans ce type de parc où l’ambiance est plutôt concentrationnaire, où les cris des humains sur les chiens s’entendent à plusieurs centaines de mètres, où les frustrations et le stress sont palpables sur la plupart des jeunes chiens, et où on se préoccupe peu de l’épanouissement individuel.

A l’inverse, les bonnes écoles de chiots rassemblent peu de chiots en même temps, sont attentifs au tempérament de chaque animal, et travaillent chaque binôme de chiot en choisissant de mettre ensemble ceux dont le comportement est bénéfique pour l’autre, tout en variant les individus et en favorisant les expériences positives collectives. Cependant, dans un parc clôturé, les chiots ont peu de possibilité pour se disperser, s’isoler et se dissocier du groupe. Un chiot timide est vite mis à l’écart sans pouvoir réellement s’écarter efficacement.

Lorsque ces regroupements de chiots à but socialisateur ont lieu en espace ouvert, avec des longes fines pour maintenir la sécurité, chaque individu a le choix de rester dans le groupe, suivre un congénère préférentiellement, s’éloigner pour une exploration olfactive passagère puis revenir interagir avec les autres chiens sans être coincé contre un grillage. La socialisation a plus de chance d’être bien assimilée et durablement positive dès lors que l’ajustement social permet des rapprochements et des éloignements sans limite géographique. Enfin la socialisation consiste à apprendre au chien à bien se comporter avec les autres, de façon adaptée, ce qui sous-entend que le milieu doit être varié afin de permettre cette adaptation en fonction des stimuli externes et dans tous les contextes.

Les chiens ont besoin de mêler jeux sociaux et exploration du milieu

Le milieu social des chiots ne peut être un milieu clos, où toute exploration a une fin, et dont il est impossible de s’extraire. Un parc délimité présente peu de pertinence pour un chien et ne correspond pas à l’espace public, riche en nouveautés odorantes chaque jour, où les parfums se mêlent, associant des signaux olfactifs canins, des odeurs d’humains et d’objets, des odeurs variées et passagères, changeant quotidiennement. Le parc est sécurisé alors que la sphère publique est remplie d’éléments à surveiller pour les maîtres. Dans le parc, les propriétaires finissent ainsi par discuter sans regarder suffisamment leur chien, ses émotions, ses expressions et ses difficultés d’adaptation ou de communication. L’exploration du milieu, l’adaptation du chien à tous les milieux et à leur variabilité, la capacité à s’ajuster à toutes les changements de milieu, à toute rencontre impromptue, ne peut se faire dans un parc fermé et protégé du monde extérieur. Le développement et l’épanouissement du chiot doivent inclure les notions de réflexion, d’orientation, de guidage, ainsi que les notions d’attention, et d’habituation. Seul un environnement réel est en mesure d’apporter tous ces paramètres qui permettent de mêler interactions sociales et exposition graduée. Lorsqu’un chiot a peur des bruits de voitures, s’il se retrouve dans un parc fermé en bordure de rue, la sécurité génère une baisse du niveau de vigilance et de préoccupation des maîtres, alors que le chien devrait être rassuré. La même exposition en rue attire davantage l’attention des maître envers les émotions et l’agitation du chien. Par ailleurs, une peur dans la rue peut être atténue efficacement chez un chiot baladé en compagnie d’un congénère n’ayant pas peur. Cet apprentissage social bénéfique au chiot craintif ne peut être réalisé en milieu fermé.

La balade canine doit être organisée.

En milieu ouvert, les chiens ne font aucune fixation sur le lieu. Les petites frictions se résolvent plus vite si les humains continuent de marcher et évitent de stationner sur place quand les chiens éprouvent des sujets de mésentente. Le fait d’avancer sans cesse fait perdre de la pertinence à un conflit. La liberté de s’éloigner est souvent appréciée des chiens et des maîtres. En revanche, pour que la balade soit bénéfique, il faut organiser néanmoins la rencontre afin de ne pas mélanger des tempéraments incompatibles, même si l’espace permet les éloignements. Le professionnel doit éviter de laisser plusieurs chiens adultes bagarreurs et assertifs ensemble lors d’une même balade. Un chiot timide de petite taille sera mis à l‘écart des gros chiots intrépides et entreprenants voire harceleurs. Un chien qui va embêter un autre chien de façon répétée peut être mis en longe et on demande au maître de se promener à distance. Il est alors possible de faire des sous-groupes de quelques dizaines ou centaines de mètres d’écart, surtout si l’éducateur a un associé ou tout autre accompagnant en mesure de l’aider. Il est possible d’organiser des jeux, des pauses, et des interactions guidées, comme des recherches du maître, des concours de rappel, des exercices ludiques d’obéissance récompensée, des quizz sur la connaissance des besoins des chiens, des échanges de chiens et des rencontres à thème. L’ambiance amicale est de règle et les propriétaires apprennent à mieux connaître les chiens des autres maîtres, à bien appréhender les interactions sociales de leur chien, à lire les chiens dans leurs expressions émotionnelles.

Résumé : A retenir :

La socialisation des chiots est de meilleure qualité lorsque les chiots sont mis en présence d’adultes dans un milieu ouvert à tout public

La sphère publique présente plus de pertinence pour le chiot qui explore davantage la vraie vie, joue avec des chiots mais apprend aussi à s’ajuster à tout adulte, à bien se comporter avec les humains inconnus et à appréhender tout type d’environnement. En milieu ouvert, les balades permettent de ne pas se fixer sur un lieu pais créent des éléments d’explorations nouveaux à chaque instant.

Dr Isabelle VIEIRA, DVM

Vétérinaire Comportementaliste DENVF
Chargée d’enseignement en éthologie clinique dans les ENV

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