Les races de chiens : leur lien avec les comportements

Le chien est l’espèce la plus anciennement domestiquée et chez laquelle on observe le plus grand polymorphisme. On dénombre plusieurs centaines de races dont les origines sont aussi variées que les couleurs et longueur de poil qu’elles ont engendrées. S’il est bien établi que le processus de raciation a permis de faire émerger et de sélectionner des groupes d’individus en fonction de leurs aptitudes à un travail, la sélection artificielle a été naturellement orientée à fixer des comportements que l’on retrouve au quotidien.

L’histoire des races de chiens

Les premiers chiens domestiqués devaient beaucoup ressembler au loup. Le dingo sauvage d’Australie nous donne un petit aperçu de l’aspect physique des premiers chiens. Au fil des millénaires, en croisant telle variété avec telle autre, nous avons abouti à une explosion de physiques très différents. Ces diverses morphologies s’accompagnent d’expressions comportementales aussi variées. On distingue quatre grands types historiques : lupoïde, molossoïde, braccoïde, et graoïde. Les caractéristiques physiques ont permis d’utiliser les chiens à des tâches pour lesquelles ils ont été ensuite sélectionnés. Ainsi sont nées les groupes de races qui réunissent des types de chiens d’aptitudes proches, tels que chiens de bergers, bouviers, chiens de chasse courants ou d’arrêt, ou rapporteurs de gibiers d’eau, etc.

A partir de l’origine unique du loup gris, l’ensemble des variétés canines pourrait s’expliquer par des retrempes avec d’autres canidés sauvages (coyotes, chacals). En l’absence d’une véritable sélection explicite scientifiquement menée, on parle plutôt de pression sélective en fonction de l’utilisation des chiens qui a changé au cours des siècles. La morphologie d’une variété est indissociable de sa fonction. Et les fonctions utilitaires du chien se sont multipliées et diversifiées avec les évolutions techniques et culturelles humaines. La fonction d’élimination des déchets est sans doute la plus ancienne. Cette fonction sanitaire serait apparue avec la sédentarisation de l’homme. Ce sont alors des éboueurs et nettoyeurs de campements. La coprophagie est encouragée. Puis le chien devient un compagnon de chasse et « partage avec l’homme l’excitation de la traque » (Digard).

Il accompagne l’homme plus qu’il ne l’aide. Le chien devient vite un protecteur de l’homme. Il identifie et reconnaît celui avec lequel il vit et chasse. Il marque et défend l’espace de vie et l’itinéraire habituel de ces hommes dont il intègre le groupe. La protection des biens et des personnes fait naître plus tardivement un rôle d’alerte (les premiers chiens domestiques n’aboyaient pas). Puis la garde des troupeaux permet de préserver les ressources et de se déplacer en tribus. Dès le XVIème siècle, des traités classent les chiens en fonction des tâches auxquelles ils sont assignés. On distingue les chiens affectés à la chasse, les chiens affectés au service en cuisine, les chiens dénicheurs de proies dans les terriers, les chiens de garde, les chiens de combat. Au XVIIème siècle, navigateurs, et colons traversent les océans en emmenant leurs chiens. Ils ramènent de nouvelles variétés qui accélèrent l’hybridation de l’espèce canine.

Au XIXème siècle, la révolution industrielle fait naître une classe ouvrière de chiens. Ils tirent des chariots très lourds, ils tournent inlassablement des roues, actionnent des broches ou des pompes à eau. Progressivement le chien intègre le foyer et cette proximité entre l’homme et le chien inclut une composante affective évidente. Cependant cette fonction de compagnie et de jeu semble avoir toujours existé. Les chiots ou louveteaux ayant des dispositions anthropophiles sont maternés par les femmes du foyer depuis l’antiquité. On parle de « chauffage sur patte » ou de « couverture ambulante » (Gautier 1990). Chez les indiens d’Amazonie, le chien chasse avec les hommes mais mange et dort avec les femmes (Descola 1986). Il est un catalyseur de relations sociales.

L’étude des chiens et des races est appelée cynologie ou cynotechnie. Elle regroupe les approches, les techniques, les philosophies et les divers outils utilisés pour l’éducation canine et la compréhension des comportements canins. En 1882, naît la Société Centrale canine peu après la création du Kennel Club en Angleterre. Le but est l’amélioration des races. En 1884, apparaît le « Livre des Origines françaises » ou LOF qui recense les chiens de races et leurs livres généalogiques. Aujourd’hui, l’élevage est attaché à poursuivre ce travail de sélection autour du duo de concept travail-beauté. Le chien de race exprime et conserve de toute évidence des traits comportementaux propres à sa race, même s’il n’est utilisé que pour la compagnie.

La race est influente sur les comportements des individus : comment bien choisir ?

Les races ont été créées et ont évolué par la manipulation et la sélection de caractères déjà préexistants. Des chercheurs célèbres comme Scott et Fuller ont montré que ces fonctions comportementales particulières qui caractérisent les différentes races de chiens sont le résultat de la suppression ou de l’accentuation de caractéristiques comportementales existantes innées plutôt que l’apparition de nouveaux patterns comportementaux. Environ 25% de la variance comportementale serait expliquée par le facteur « race ». Les scientifiques réfutent l’idée que la sélection s’est faite d’abord sur les caractères morphologiques. Ainsi les croisements opérés pour fixer une race ont permis d’ancrer tel ou tel type de réactivité, tel ou telle propension à apprendre et à produire une réponse.

Comme nous l’avons développé dans l’article sur le tempérament, la génétique est influente sur certains comportements.

Prenons l’exemple des chiens de chasse : les chiens courants comme le beagle sont parfois difficiles à garder près de soi car ils poursuivent le gibier en meute. Ils s’éloignent souvent et ne restent pas à proximité de l’humain comme le ferait un chien de protection qui tourne spontanément autour du groupe. Les chiens d’arrêt marquent spontanément le stop et lèvent le gibier mais ont peu tendance à le poursuivre. Les chiens de berger montrent un tracé très particulier qui consiste à rassembler les moutons dès qu’il existe un vide entre ces « masses blanches touffues », en courant de long en large derrière un troupeau. Les molosses montrent souvent une personnalité affirmée, volontaire et capable d’affronter un danger sans timidité. Ce trait est obligatoire pour une utilisation au combat. Il en est de même, par exemple, de certaines races primitives comme l’Akita, originaire du japon et élevé pour chasser l’ours, puis utilisé comme chien de combat. On le retrouve aujourd’hui aux côtés de certaines races qui émergent en force comme chiens de famille, sans qu’il y ait eu une contre-sélection encadrée.

Ainsi on est confronté à des problèmes de comportements qui sont la résultante d’une méconnaissance des caractéristiques comportementales de la race et un choix qui s’est fait uniquement sur l’aspect physique. Il est nécessaire de s’informer sur l’histoire de la race et sur l’évolution qu’elle a connu pour faire un choix raisonné en fonction des attentes et du mode de vie de la famille humaine.

Dr Isabelle VIEIRA, DVM

Vétérinaire Comportementaliste DENVF

Laisser un commentaire