Prendre un deuxième chien : bonne ou mauvaise idée ?

Lorsqu’on a un seul chien, est-il nécessaire de lui donner un copain pour son épanouissement social ? Lorsque le chien de la maison vieillit, la question se pose de l’opportunité d’acquérir un jeune chien, un chiot, pour apporter une compagnie à l’ancien et le rajeunir. Lorsqu’on laisse un chien seul de longues heures, la compagnie d’un deuxième chien peut-elle permettre de limiter l’ennui ? Toutes ces questions sont régulièrement posées en consultation comportementale. Alors bonne ou mauvaise idée ? Opportunité ou contrainte supplémentaire ?

Le chien est un animal social : la compagnie d’un congénère est bénéfique

Pendant les premières semaines de vie, les chiots passent 24h/24 ensemble. Ils mangent ensemble, dorment ensemble, jouent ensemble. Les chiots sont en perpétuelle interaction avec des individus de leur espèce. La présence d’une fratrie complète est nécessaire pour que les chiots se socialisent de façon optimale. La socialisation est un processus indispensable et naturel. Elle fait partie des acquis du développement. C’est par le jeu et les interactions sociales libres et permanentes que le chien se construit une personnalité sociale et des compétences sociales. Lorsque le chien arrive dans sa famille humaine, il est souvent le seul représentant de son espèce. Au fur et à mesure des années, il doit pouvoir bénéficier de contacts répétés et suffisamment fréquents avec ses congénères, lors des promenades, dans les clubs d’éducation ou d’agility, ou en visite chez les amis ou la famille. Certaines familles possèdent plusieurs chiens ensemble. Dans la plupart des cas, la cohabitation est bénéfique. Le décès ou la disparition de l’un d’entre eux peut même générer tristesse et déprime chez le congénère restant.

Mais il s’agit d’un « mariage forcé » 

Dans la nature, même bien socialisés, les chiens n’entretiennent pas que des liens amicaux. Des études montrent que les chiens à l’état sauvage ou retournés à l’état d’indépendance vis-à-vis de l’Homme, ne vivent pas forcément en meute. Ils se regroupent par paires ou mènent des activités communes par petits groupes sans organisation stricte. Lors de mésentente, on observe très peu de conflits mais un phénomène de dispersion. Chacun s’en va de son côté. Les jeunes grandissent au contact des parents mais le rôle du père est très peu décrit. Les mères s’éloignent rapidement de leur portée. Contrairement au loup qui connaît une organisation familiale stable, le chien domestique peut vivre en dehors d’un groupe organisé.

Vouloir que deux chiens vivent ensemble dans une maison n’est donc pas forcément une histoire tranquille. Les chiens peuvent être bien socialisés mais de caractères incompatible ou trop différents. Des changements physiologiques, hormonaux, émotionnels, ou des maladies, douleurs chroniques, problèmes de santé divers, peuvent être à l’origine de mésentente et générateurs de conflits. Une différence d’âge importante est de nature à générer de l’intolérance et de l’irritation, source de conflits normaux. Si un chien n’accepte pas l’autre, le menace, l’empêche de circuler, il ne faut pas « humaniser » ces interactions, ni moraliser la rencontre, ou imaginer que le jeune doit respect au vieux ou que le vieux doit être gentil avec le chiot, le pauvre petit qui ne lui veut pas de mal, etc. Enfin les besoins éthologiques d’activité physique, mentale et sociale peuvent être très différents d’un chien à l’autre. Il est nécessaire que chaque chien ait ses copains respectifs et puisse être baladé avec d’autres chiens que l’autre congénère du foyer.

Comment faire la transition et accueillir le nouveau au mieux ?

Lorsque l’on met en contact un chiot avec un chien adulte déjà présent dans la maison depuis plusieurs années, il faut bien comprendre et interpréter la communication qui va s’instaurer entre les deux chiens.

Il est conseillé de ne pas attendre que le chien déjà à la maison soit trop vieux et grabataire pour envisager une telle cohabitation forcée. Un chiot risque de le fatiguer trop, de l’énerver, de déclencher des agressions, ou au contraire entraîner de la résignation et un épuisement, devant toutes les activités motrices du jeune.

Parfois l’entente ne pose pas de problème et les deux chiens n’entrent jamais en conflit, mais parfois une compétition apparaît au sujet d’un os, d’une place sur le canapé, d’une caresse avec le maître, d’un passage de porte. Souvent les maîtres interviennent en séparant violemment les chiens et en les sanctionnant ou en retirant celui qu’ils croient être la victime et en l’isolant de l’autre. Ces contextes de communication impossible, de bridage des interactions renforcent les rivalités.

Quelques règles permettent de palier aux principaux problèmes :

  • Si l’entente est parfaite dès le début, il ne faut pas vouloir organiser leur vie sociale ou intervenir dans leurs interactions. Laisser l’ajustement se faire naturellement est la meilleure attitude. Ils ont besoin d’apprendre à se connaître pour apprendre à se respecter.
  • Si le chien anciennement présent manifeste un peu d’intolérance et grogne, cela fait partie de préliminaires normaux. Il vaut mieux simplement les distraire et les occuper par de nombreux jeux, afin de limiter les oppositions.
  • Des bagarres raisonnables peuvent éclater comme dans une fratrie, entre frères et sœurs, pour un objet, une friandise, une gamelle, un passage de porte, un câlin ou une caresse du maître. Il faut éviter de nommer l’un « agresseur » et l’autre « victime ». Il faut analyser calmement les motifs de déclenchement.
  • Repérer le chien déclencheur, souvent le nouvel arrivé et le plus fougueux., et établir des règles strictes pour l’obtention d’une ressource ou la circulation dans la maison ou l’attention des maîtres.
  • Donner à chaque chien un rôle différent. L’un, souvent le plus ancien et le plus calme, sera prioritaire pour obtenir le repas, le fauteuil, le passage de la porte, le câlin. L’autre pourra bénéficier de temps de jeux et de balades supplémentaires.
  • Toute situation qui risquerait de générer une compétition doit être réglée d’avance pour éviter la compétition. En rendant toutes les situations prévisibles, on diminue le stress des chiens et on en rend toutes les issues connues. Il ne s’agit pas de dominance mais de règles qui, une fois établies, permettent de supprimer tout scénario surprise.
  • Si le chien déclencheur présente un niveau d’activité motrice supérieur à l’autre (plus jeune, plus fougueux) :

    • le sortir séparément de l’autre chien, le faire courir, le faire rencontrer d’autres chiens pour qu’il ait l’occasion d’ajustements sociaux variés.le faire travailler dans une activité sportive séparément du chien plus calme (agility, exercices variés avec stimulation physique et mentale)le faire jouer seul avec des objets à déchiqueter ou des Kong remplis de nourriture, qui vont l’occuper pendant longtemps. Cela lui apprend à ne pas être trop motivé à rivaliser avec l’autre chien. Cela lui apprend à s’occuper seul.
    • séparer les deux chiens lors d’absence des maîtres s’ils doivent rester enfermés dans un espace restreint. Les laisser libres ensembles s’ils peuvent rester à l’extérieur ou dans un espace très large où leurs explorations peuvent être dissociées.

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