Nos chiens aiment-ils les caresses ?

Le contact humain : ontogénèse d’un mécanisme d’habituation
Pour l’humain, caresser un chien semble un geste naturel et affectueux. Mais est-ce perçu de façon amicale par le chien lui-même ?
La stimulation tactile dès la naissance
Dès sa naissance, le chiot est intensément léché et frotté par sa mère. Ce comportement maternel de la part de la chienne a plusieurs fonctions essentielles : réchauffer le chiot nouveau-né, stimuler sa respiration en éliminant le mucus qui obstrue ses voies respiratoires et activer sa circulation sanguine. Ce contact tactile est constant dans les premiers jours de vie du chiot, aussi bien avec sa mère qu’avec les frères et sœurs de la portée.
En tant qu’espèce nidicole, le chien naît dans un environnement où le regroupement est instinctif. Les chiots se blottissent naturellement les uns contre les autres et contre leur mère pour maintenir leur température corporelle. La chienne les rassemble près de ses mamelles, jouant ainsi le rôle de source de chaleur vivante, comme une bouillotte naturelle.
À ce stade de développement, les chiots sont aveugles et sourds, mais leur odorat et leur sens du toucher sont déjà bien développés. Ils ne savent pas encore qui les entoure, mais ils perçoivent intensément ce contact physique, fondamental pour leur survie et leur développement.
L’habituation au toucher initié par l’humain
Si le toucher et le contact rapproché sont prévus avec la mère, l’équivalent avec l’humain peut se mettre en place très vite. Parfois, il faut aider certaines chiennes débordées par des portées nombreuses. Le maître doit donner des biberons en maintenant les chiots dans le creux de sa main, les habituant ainsi très tôt à la main de l’homme. Plus tard, lorsque les chiots jouent entre eux, l’humain peut se mêler aux chiots, les prendre dans les bras, les caresser, les retourner doucement. Si ces contacts sont perçus positivement, les chiots les mémorisent comme agréables et plus tard les apprécient facilement. C’est donc le processus d’habituation et l’apprentissage par association positive qui permettent au jeune chien de se prêter volontiers au tripotage par l’humain.

Le contact humain : construction du lien interspécifique
L’ocytocine : un médiateur du lien
Toute personne qui partage sa vie avec un chien est amenée à passer de bons moments proches de l’animal. Il le regarde et le caresse. L’alchimie qui s’opère relève d’une construction relationnelle mais aussi d’une transmission de médiateurs et d’hormones telles que l’ocytocine. Cette molécule, habituellement impliquée dans l’attachement entre une mère et son bébé, a été reconnue comme influente sur la qualité du lien amical intraespèce mais aussi interespèce.
La relation entre l’homme et le chien est donc dépendante de cet équilibre intérieur biochimique. L’ocytocine sécrétée pendant un échange affectueux avec un animal aide à réduire le stress et la pression sanguine de l’humain impliqué et diminue les potentielles attaques cardiaques chez l’homme. Une augmentation significative du taux d’ocytocine est également observée chez le chien lors d’un geste ou un regard amical de son maître.
Des bénéfices partagés entre chien et humain
Les caresses et les câlins provoqueraient donc un réel apaisement réciproque chez les deux espèces.
Les expérimentations menées ont montré une hausse très nette de ce biomarqueur chez l’homme et le chien pendant une séquence mêlant regards et caresses. Une telle modification n’est pas observée entre l’homme et des loups élevés à la main. Ce qui tend à montrer que la domestication du chien aurait créé une relation de confiance et d’amitié profonde avec l’homme du même degré qu’une relation mère-enfant.
Par ailleurs d’autres travaux ont montré que la présence du chien sur le lieu de travail, qui génère des caresses et des interactions positives, est de nature à diminuer significativement le stress et le niveau de cortisol chez le maître mais aussi chez ses collègues de travail. Elle contribue à une meilleure productivité et de meilleurs échanges entre collègues.

Comment bien caresser un chien ?
Les caresses les plus appréciées
Si la caresse est généralement perçue comme un geste amical, relaxant et bénéfique pour le chien, elle ne doit pas être pratiquée à l’aveugle.
Pour que son effet soit réellement positif, il est essentiel de comprendre les aspects sensoriels du toucher chez le chien et de respecter son consentement à la caresse. Beaucoup de personnes pensent savoir instinctivement comment caresser un chien. Pourtant, des études ont montré que certains types de caresses peuvent provoquer de l’inconfort, voire du stress, chez l’animal.
Dans l’une de ces recherches, différents types de contacts tactiles ont été testés : caresses sur l’épaule, le poitrail, le cou, en position couchée, en tenant une patte avant, sur le haut de la tête, à la base de la queue, en tenant le collier, ou encore en couvrant le museau de la main. Les réactions émotionnelles des chiens ont été observées avec attention. Résultat : les caresses sur la tête, les épaules et la patte avant ont systématiquement provoqué des signes de gêne et de tension (regard détourné, léchage des babines). Le contact forcé, comme maintenir un chien couché ou lui couvrir le museau, a généré des signes clairs de stress.
En revanche, la zone de caresse la plus apaisante s’est révélée être le poitrail, où les chiens ont exprimé le plus de détente.
Observer le chien et respecter ses signaux
Il est essentiel d’observer attentivement le chien lorsqu’on le caresse, afin de savoir s’il apprécie réellement ce contact ou s’il le tolère simplement.
Pour respecter le consentement à la caresse, il est recommandé de privilégier les caresses initiées par le chien lui-même. C’est-à-dire attendre qu’il vienne chercher le contact, plutôt que de l’envahir physiquement. Les gestes doivent rester doux, respectueux, sans transformer l’animal en peluche que l’on frotte dans tous les sens.
Cette vigilance est d’autant plus importante lorsque des enfants souhaitent caresser ou câliner un chien. La présence active d’un adulte est indispensable pour surveiller les signaux d’inconfort ou de stress émis par l’animal. Parmi ces signes de malaise chez le chien, on peut noter :
- le léchage des babines,
- une tension musculaire visible,
- le regard fuyant,
- les oreilles plaquées vers l’arrière,
- des bâillements…
Focus sur le TTouch®
Il existe pourtant une méthode unique qui prétend augmenter le bien-être des chiens par un toucher particulier nommé le TTouch®. Il s’agit d’une forme spécifique de travail corporel destinée à apaiser le chien. Bien pratiqué, le TTouch® influence positivement le comportement du chien, réduit son stress et approfondit la relation avec son humain de compagnie.
Il s’agit de toucher et de lisser la surface de la peau par des mouvements particuliers circulaires afin de déclencher un relâchement de la tension musculaire. Cette méthode a été développée par son auteur Linda Tellington-Jones, monitrice internationale. Cependant aucune étude scientifique n’a permis de valider son action.
Le chien apprend à aimer la caresse
Le chien n’apprécie pas naturellement la caresse, il doit apprendre à l’aimer.
Le chien est un animal social qui est attiré par la proximité de l’autre, congénère ou humain. Néanmoins, le toucher n’est pas un mode de communication spontané comme chez le chat. Le chien va apprécier la caresse de l’humain par un processus d’habituation et par association positive. Il l’apprend d’autant plus vite que le mécanisme est mis en place précocement au cours du développement.
Idée reçue sur le chien à corriger
« Le chien est un opportuniste et n’apprécie l’homme que par les ressources qu’il lui procure »
FAUX : Bien souvent, on sous-estime l’importance d’une simple proximité qui offre tous les ingrédients d’une complicité forte et stable. Les caresses participent de cette relation indispensable entre l’homme et l’animal dit « de compagnie ».