L’adolescence du chien : comment la gérer ?

La période de l’adolescence chez le chien est mal définie et très peu étudiée. En fonction des races, elle varie sensiblement en âge et en durée. Individuellement, chaque chien passe cet intervalle différemment. Peu de travaux scientifiques ont analysé les problèmes comportementaux liés à cette phase du développement. Les éthologistes qui ont observé des chiens libres se sont rarement intéressés à cette thématique. Néanmoins elle représente un moment parfois difficile à gérer pour les propriétaires de chien.

L’adolescence est une période charnière primordiale chez le chien

L’adolescence est habituellement définie comme la période qui suit immédiatement la puberté et qui précède l’âge adulte. Canis familiaris étant une espèce sociale, il s’agit du prolongement de la phase juvénile décrite par les éthologistes, qui fait suite à la phase de socialisation. La croissance de l’individu étant presque achevée, la puberté se traduit par l’arrivée des premières chaleurs chez la femelle et par le changement de posture pour uriner chez le mâle qui commence à lever une patte et à faire du marquage urinaire. La maturation des caractères sexuels primaires s’accompagne d’une modification de l’équilibre hormonal. Les comportements évoluent et la vie sociale s’en trouve modifiée. Les petites races ont une adolescence plus précoce, qui commence vers 6 mois, alors que les grandes races ont une adolescence plus tardive qui démarre vers 10 à 12 mois. Cette période s’achève vers 18 mois à 2 ans et demi selon les individus.

Des changements dans les interactions sociales sont à prévoir. Le jeune adolescent flirte avec l’idée de se reproduire. Il recherche des congénères de sexe opposé, commence à prendre le large vis-à-vis de son habitation et de ses maîtres, à vouloir chevaucher des congénères et à faire du marquage urinaire.

Les chiens adolescents, tout comme les humains, se questionnent sur leur identité et ressentent un besoin grandissant d’indépendance. Il s’agit également d’une période de confusion où le jeune oscille entre son désir d’autonomie et celui d’être encore en sécurité avec ses humains. Les amitiés prennent également une plus grande intensité vis-à-vis de certains congénères au détriment d’autres. Il s’établit des préférences jusqu’à ne plus apprécier certains chiens avec lesquels le chiot s’entendait bien auparavant.

En effet l’importance que les jeunes accordent à l’acceptation de leurs pairs est variable. Certains deviennent plus casaniers et craintifs, et d’autres plus explorateurs et intrépides. Vers l’âge de 6 mois, il est fréquent d’observer des craintes et de signes d’angoisse. Les émotions à fleur de peau sont en lien avec les modifications endocriniennes, anatomiques et physiologiques de l’animal qui se cherche en découvrant son potentiel moteur et interactif, à l’occasion de poussées de croissance. Si le chien a peur de choses qui lui apparaissaient banales, cela ne doit pas surprendre ses maîtres. En cause, le développement du cortex préfrontal, la partie du cerveau qui contrôle la prise de risque, et qui n’est pas encore totalement achevée pendant la puberté.

Reconnaître l’arrivée de l’adolescence chez le chien

Lorsque le chiot arrive à l’adolescence, bon nombre de propriétaires ne l’ont pas anticipé et s’attendent à ce que leur jeune chien passe doucement du stade de chiot au stade adulte. Souvent la réalité est bien différente. Le jeune chien présente des modifications comportementales qu’il faut repérer et reconnaître afin de ne pas laisser s’installer de mauvais comportements qui deviendraient durables. C’est entre 8 et 18 mois que les refuges recueillent le plus de chiens abandonnés pour cause de comportement. Le passage difficile de l’adolescence peut en être une raison.

Le chien montre un excès d’énergie, une motivation à explorer, fuguer, gambader et réclamer plus de liberté. L’instinct lui dicte de sortir de sa coquille, de laisser ses odeurs partout, de rechercher la compétition, et de prendre plus de risque en s’éloignant du cocon familial. On observe un défaut d’obéissance, une diminution du rappel, de la malpropreté, des destructions, des aboiements, des chevauchements sur humains et congénères. Après avoir pourtant bien travaillé l’éducation positive et bienveillante depuis ses 2 mois, le jeune chien devient exaspérant et fait perdre patience à ses maîtres qui parfois passent alors sur un mode plus coercitif ce qui déclenche de l’agressivité et des hostilités. Les propriétaires ne reconnaissent plus leur chien et le lien affectueux se délite progressivement.

De mauvais conseils comme l’instauration d’une hiérarchie stricte avec plus d’autorité et moins de prérogatives pour le chien ne font qu’exacerber les conflits jusqu’à l’abandon du chien après les premières morsures. Il faut donc reconnaître les premiers signes de l’adolescence et se préparer à modifier l’emploi du temps du chien, les modalités d’apprentissage et la nature du lien qui l’unit à ses maîtres. La moindre augmentation d’activité motrice doit éveiller le propriétaire qui est tenu de s’engager vers plus de sport et de dialogue avec son chien. La moindre baisse d’attention envers sa famille au profit d’une augmentation des bêtises, associée à d’autres problèmes de cohabitation, doit engager le propriétaire à réfléchir aux modalités d’une nouvelle coopération avec son chien.

Gérer la période d’adolescence chez le chien

Quand arrivent les problèmes, le défi est de ne pas vouloir à tout prix s’imposer mais au contraire de diriger amicalement le chien de façon plus coopérative vers une meilleure complicité, en lui laissant plus de liberté, et en lui donnant très envie de construire sa vie avec ses maitres et non contre ses maîtres. Lui apporter les clés d’un lien réussi et durable sont un enjeu de taille.

L’idéal est d’anticiper cette période, en respectant son besoin d’indépendance sans jamais le laisser fuguer, donc matériellement il faut être bien clôturé et il convient d’emmener davantage le chien se dépenser physiquement et mentalement, dans des espaces variés, avec des congénères et des humains, éventuellement avec une longe. Les balades canines collectives offrent aisément la possibilité au chien d’ajuster ses comportements avec satisfaction et plaisir, en ayant toujours envie de ne pas perdre le groupe et ses maîtres. Ce sont d’excellentes occasions pour améliorer le rappel par des jeux de cache-cache en se munissant de récompenses à haute valeur. Rester calme est indispensable.

Ne pas le juger, le sanctionner, le taxer de défauts imaginaires, ou l’aimer moins car il n’est plus le gentil chiot docile qu’il était, au risque que le chien le ressente au plus profond de lui-même, car cela entâcherait la relation qu’il a construit depuis son adoption. Cette relation reste bien présente et positive même si le chien cherche à regarder le monde comme un adulte, à se défendre tout seul devant les menaces extérieures plutôt qu’à chercher de la sécurité auprès de son humain. Le laisser se mesurer à des menaces de congénères, lui laisser le choix d’affronter les dangers ou de les fuir, en étant attentif à toujours récompenser les bonnes stratégies, et le laisser prendre des initiatives, constitue à coup sûr un gage de réussite pour la vie future.

Bien sûr, cela pousse le chien à moins écouter ses maîtres, mais il gagne en autonomie et en intelligence adaptative, vis-à-vis de tous les éléments de l’environnement, qu’ils soient sociaux ou physiques. C’est à ce prix qu’il sera à même de mieux se comporter par la suite, qu’il pourra s’habituer à toute situation nouvelle ou insolite, et qu’il ne montrera pas de peur et de réactivité excessive, préjudiciables à son équilibre émotionnel. Si le chien se montre plus craintif, il faut lui éviter des rencontres désagréables et inquiétantes, ne pas risquer des conflits violents dont il se souviendrait. Des expériences limitées sont préférables à de mauvaises expériences. La peur engendre toujours de l’agression, surtout si le chien est dépourvu d’espace de fuite, en étant maintenu en laisse courte.

L’erreur principale, que commettent beaucoup de maîtres, consiste à montrer plus de sévérité, plus d’autorité, plus d’attache en laisse, afin de garder le contrôle. Cela génère des frustrations et des frayeurs qui font exploser les problèmes, en particulier d’agressivité avec les congénères. Les maîtres cessent alors les rencontres avec les autres chiens aux premiers grognements ou hérissement de poil en sanctionnant leur chien. A l’inverse, l’idéal est de promener le jeune chien adolescent avec plus de chiens adultes bien socialisés, non bagarreurs et calmes afin qu’il apprenne à se canaliser sans conflit et qu’il prenne confiance en lui.

Eviter à tout prix les balades avec uniquement des jeunes chiens intrépides du même âge, qui se terminent en foire d’empoigne et offre un spectacle catastrophique de délinquance canine en renforçant la brutalité des interactions et en abaissent les auto-contrôles. L’humain se doit par ailleurs d’être attentif à toutes les bonnes actions de son chien en lui signifiant qu’il est fier de lui et en étant toujours très généreux en récompenses.

A retenir :

L’adolescence marque un tournant dans la vie d’un chien. Il faut l’accompagner sans le juger. Il est essentiel de se montrer très coopératif et de coacher le chien avec bienveillance pour qu’il entre dans sa vie d’adulte avec sérénité. Lui apporter plus de choix d’actions, plus de temps dédié à des activités sportives et sociales, plus de rencontres variées en lui laissant plus d’autonomie est un gage de réussite éducative.

Idée reçue :

A l’adolescence le chien doit faire l’objet d’une hiérarchisation dans sa relation avec l’humain avec un détachement rigoureux et une perte de droits à l’initiative des contacts.

Faux : ces vieilles notions ont longtemps été conseillées pour garder le pouvoir et le contrôle sur les chiens. Aucune étude scientifique n’est venue les valider depuis des décennies. Il est urgent de les abandonner car tous les rapports sur les morsures montrent qu’elles sont responsables de nombreux troubles du comportement. La relation humain-chien s’en trouve abîmée, la confiance entre le chiot et son maître s’affaiblit vite et l’on obtient toujours l’explosion d’une réactivité agressive parfois difficile à résorber. La relation humain-chien doit toujours être de nature coopérative et non subordinative.

Dr Isabelle VIEIRA, DVM

Vétérinaire Comportementaliste DENVF

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